Gafa, start-up, agences low cost : le secteur de l’immobilier a-t-il de vraies raisons d’avoir peur ?

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 Gafa, start-up, agences low cost : le secteur de l’immobilier a-t-il de vraies raisons d’avoir peur ?

Depuis plusieurs années, certains géants du numérique, comme de jeunes pousses investissent le secteur de l’immobilier. Secouant au passage les usages des agences traditionnelles. Face à ces nouveaux entrants, les inquiétudes des professionnels de l’immobilier sont-elles fondées ? Et quelles sont les pistes pour leur tenir tête ?

Quand Facebook faisait frémir le marché

Avec ses 37 millions d’utilisatrices et utilisateurs actifs en France, voir Facebook réaliser une incursion dans le secteur de l’immobilier avait de quoi faire frémir les plus sereins des agents immobiliers. Nous sommes alors en 2017. Le mastodonte des réseaux sociaux devient le premier des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) à tenter l’expérience en France et à ouvrir sa marketplace à l’immobilier. Le principe de la marketplace de Facebook ? Une place de marché où les particuliers peuvent publier des annonces, vendre et acheter des articles, directement depuis l’interface du réseau social. Et pour l’immobilier, en diffusant des annonces, Facebook facilite la mise en relation entre les personnes pour la vente ou la location. 

En 2018, les professionnels emboîtent le pas des particuliers. Facebook tisse des partenariats pour ouvrir sa marketplace à plusieurs grosses plateformes. Elles profitent de la visibilité, et des capacités de ciblage et de filtrage fins que le réseau social garantit. Plusieurs portails importants s’y mettent comme le Figaro Immo, Acheter-Louer, ParuVendu, La Boîte Immo, ou encore Netty. 

Le début d’une révolution pour l’immobilier ?

Quel est l’impact de la marketplace Facebook sur le secteur traditionnel ? De l’avis de certaines et de certains professionnels, la révolution n’aurait pas eu lieu. “Nos clients considèrent qu'il y a trop de leads pas assez qualifiés, et ne souhaitent pas continuer”, témoigne ainsi Antoine Krier, PDG d'Ubiflow, une plateforme de diffusion d’annonces immobilières, au Journal du Net.

De nombreux observateurs du secteur immobilier pensaient que Facebook ouvrirait la voie aux autres Gafa. Un événement les avait même convaincus, au printemps 2018, qu’Amazon pourrait être dans les starting-blocks. Un promoteur espagnol avait alors diffusé une annonce, sur Amazon, pour vendre plusieurs centaines d’appartements et maisons. Un acte isolé, qui n’a visiblement pas convaincu la firme de Jeff Bezos d’investir massivement le secteur. 

Quant à Google, pour le moment, les professionnels l’utilisent comme un outil pour développer visibilité, réputation et notoriété, via des Google Ads, les pages Google My Business et le référencement naturel.

Un écosystème de start-up dynamiques 

Les jeunes pousses du digital ne sont pas en reste. Regroupées sous la bannière French Proptech, plus de 400 entreprises innovantes tentent de secouer le marché de l’immobilier. Les start-up de la Proptech ont ainsi réalisé des levées de fonds record en 2019 : 503 millions d'euros, soit 240 % de plus en quatre ans.

Un dynamisme qui, d’après le baromètre Real Estech 2019, cache également quelques échecs. Quarante start-up ont mis la clé sous la porte en 2019, soit 10 % du parc de Proptech. Là encore, la menace est à relativiser.

La nouvelle donne des agences low cost

Parmi les pure-players de l’immobilier (misant sur des parcours clients 100 % digitalisés), certains viennent concurrencer frontalement les acteurs traditionnels sur le terrain des prix. En proposant des commissions fixes, quel que soit le prix de vente du bien. Contre 4 à 8 % pour les agences traditionnelles. Proprioo, Oprixfixe, Marton, Welmo Imop, Equinimo ou Hosman s’affichent clairement sur ce créneau. 

Et ces plateformes se targuent de proposer les mêmes services aux clientes et clients. Les uns proposent néanmoins des estimations de biens virtuelles effectuées par des algorithmes, quand d’autres disposent de forfaits « à la carte » pour choisir les modalités d’accompagnement dont on souhaite bénéficier. Sans locaux et avec de nombreux processus automatisés, ces agences nouvelle génération réalisent des économies d’échelles significatives, leur permettant de proposer des prix compétitifs. 

Pour autant, ces agences semblent capter des clientèles plutôt jeunes, à l’aise avec le digital, et quasi exclusivement dans des zones immobilières « hyper tendues ».

C’est-à-dire là où la demande est très supérieure à l’offre : à Paris et dans les grandes agglomérations françaises. Elles souffriraient, en outre, d’un déficit de notoriété.

L’anglaise Purplebricks – première agence européenne lancée sur ce modèle en 2015, et qui a ouvert la voie aux pure-players français – a longtemps connu une croissance insolente. Avant de montrer, depuis début 2020, des signes d’essoufflement. Purplebricks affiche désormais des pertes de plusieurs dizaines de millions de livres. Et elle annonce une réduction drastique des coûts. Signe que le modèle, sur le long terme, n’est peut-être pas l’eldorado escompté.

L’agent immobilier face à la guerre des prix

Dans ce contexte où la guerre fait rage sur la question des tarifs, les agents immobiliers traditionnels semblent largement attendus sur le terrain des prix.

Dans un sondage OpinionWay et meilleursagents.com paru fin 2019, 72 % des particuliers-vendeurs considèrent que « les tarifs pratiqués sont excessifs ». Ils assurent même à 89 % envisager d’utiliser les services d’un pure-player. Une « menace » prise au sérieux par 67 % des professionnels de l’immobilier qui ont répondu à OpinionWay. 

Cependant, s’ils ne peuvent pas forcément baisser leurs prix tous azimuts en raison de leurs frais fixes, les agents immobiliers peuvent mettre en avant leurs atouts face aux pure-players. Contrairement aux acteurs du web, ils s’appuient bien souvent sur un ancrage territorial fort, ils connaissent toutes les spécificités de la zone dans laquelle ils travaillent, et ils sont à même d’offrir des conseils personnalisés à leurs clients. 

La digitalisation, accélérateur de performance

La profession, qui continue de bénéficier d’une bonne image, a donc une carte à jouer en capitalisant plus que jamais sur la proximité et la qualité de service (conciergerie, assurance, etc.). 

La crise sanitaire étant passée par là, la prise de conscience est aujourd’hui bien réelle. Visites virtuelles, signatures des actes à distance, visioconférences… les agences traditionnelles se sont largement converties à ces nouveaux outils. Un levier qui paraît indispensable pour contrer les jeunes pousses de la Proptech, et les nouveaux entrants sur le marché.