Le réputé non écrit en copropriété

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Le réputé non écrit en copropriété

Dans un arrêt du 25 janvier 2024, la Cour de cassation a rappelé : 
- d’une part, que les clauses contraires au règlement de copropriété doivent être réputées non écrites ; 
- d’autre part, que lorsque ces clauses sont relatives à la répartition des charges, il appartient au juge de procéder à une nouvelle répartition en fixant lui-même toutes les modalités que le respect de l’ordre public impose. 

Cette décision est l’occasion de faire le point sur le régime du « réputé non écrit » en copropriété et sur la bonne gestion par le syndic des clauses illicites. 

Il ressort en effet de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 que : 

« Toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er , 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. » 

Les clauses réputées non écrites sont non avenues par le seul effet de la Loi et sont censées ne jamais avoir existé1.

• Le caractère imprescriptible de l’action 

La Cour de cassation rappelle que le « réputé non écrit » n’est pas une nullité. 

Bien que leurs conséquences semblent similaires, ces deux sanctions ne doivent pas être confondues car elles ne sont pas soumises au même régime de prescription. Ainsi, l’action en nullité est soumise au délai de cinq ans de droit commun, alors que l’action en réputé non écrite peut être diligentée sans aucune condition de délai. 

Cela signifie que le syndicat des copropriétaires ou tout copropriétaire intéressé peut, de manière imprescriptible, invoquer le caractère « réputé non écrit » d’une clause contraire aux dispositions d’ordre public définies par l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965. 

• La Cour de cassation rappelle les conséquence du réputé non écrit des clauses relatives à la répartition des charges

L’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que : 

« Lorsque le juge, en application de l'alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. Cette nouvelle répartition prend effet au premier jour de l'exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. » 

La Cour de cassation rappelle que le juge doit « procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose ». 

• Le syndic identifie une clause qui semble manifestement illicite : que doit-il faire ? 

La clause doit être appliquée tant qu’elle n’a pas été réputée non écrite

 

1 Cass. 3ème civ. 1er avril 1987

 

La Cour de cassation considère que « les clauses d’un règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le juge »2 . Dès lors, il ne peut être reproché au syndic d’avoir fait application des clauses du règlement de copropriété qui s’inscriraient en violation de l’article 43 mais qui n’auraient pas été réputées non écrites par un tribunal3

A l’inverse, la Cour de cassation a pu considérer que le syndic n’ayant pas respecté la clause de répartition de charges d’ascenseur qui devait être réputée non écrite pour appeler les charges afférentes pouvait se voir opposer une faute constituée par la violation des obligations lui incombant en vertu de l’article 18 de la loi du 10 juillet 19654 .

Au titre de son devoir de conseil, le syndic doit alerter le syndicat des copropriétaires sur l’irrégularité de la clause 

Si aucune faute ne peut lui être reproché pour en avoir fait application, le devoir de conseil du syndic l’oblige à alerter le syndicat des copropriétaires sur le caractère vraisemblablement illicite de la clause afin qu’une régularisation puisse intervenir. 

Ainsi, la Cour d’appel de Paris a pu rappeler que « en sa qualité de professionnel, le syndic a un devoir de conseil auprès de la copropriété et d’alerte afin de mettre en conformité le règlement de copropriété avec les dispositions légales et jurisprudentielles et ainsi éviter les demandes de remboursement par les copropriétaires, comme en l’espèce, de sommes très importantes risquant de mettre la copropriété en difficulté financière »5

En pratique : comment se prémunir de tout engagement de sa responsabilité civile professionnelle pour manquement au devoir de conseil ? 

1) En demandant un avis juridique : si le syndic s’interroge sur le caractère illicite d’une clause, il lui est recommandé de solliciter une consultation juridique afin de confirmer son analyse. 

2) En informant le syndicat des copropriétaires de la potentielle irrégularité de la clause : 

- En lui rappelant que le syndic a l’obligation de maintenir son application ; 

- En lui conseillant pour autant de procéder aux modifications ou aux adaptations nécessaires à sa mise en conformité ; 

- En l’alertant sur le fait que, à défaut de mise en conformité, la copropriété s’expose à : 

  • une insécurité juridique et financière liée au caractère illicite de la clause ; 
  • un risque de mise en cause par les copropriétaires défavorisés par la clause illicite dans le cadre d’une procédure judiciaire ;

     

2 Cass. 3ème civ. 21 juin 2006, n°05-13.607 ; Cass. 3ème civ. 28 avril 2011, n°10-14.298 
3CA Paris pôle 4 chambre 2, 6 novembre 2019, n°17/11938 : « le syndic est chargé d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété, que seuls les copropriétaires ou le syndicat des copropriétaires lui-même sont recevables à solliciter de voir judiciairement réputer non écrites les clauses du règlement de copropriété, ou l’assemblée générale de modifier ledit règlement de copropriété, que si le syndic n’a pas à se faire juge du caractère illicite d’une clause du règlement de copropriété et doit l’appliquer tant qu’elle n’a pas été déclarée non écrite, il n’en demeure pas moins que le syndic a un devoir de conseil vis à vis de l’assemblée générale, dont il résulte qu’il est tenu à mettre en garde cette dernière sur les dispositions du règlement de copropriété manifestement illicites » ; 
4Cass. 3ème civ. 3 juillet 1996, n°94-17.001 
5 CA Paris pôle 4 chambre 2, 6 novembre 2019, n°17/11938

 

  • un préjudice financier lié aux frais de procédure mais aussi aux probables condamnations à des dommages et intérêts et à l’article 700 du Code de procédure civile dans le cadre d’une telle procédure.

     

 /!\ La preuve du devoir de conseil incombe au syndic : il convient donc de consigner les éléments permettant de justifier de son exécution par écrit dans le procès-verbal de l’assemblée générale. 

• Quelques exemples de clauses réputées non écrites 

Le législateur n’a eu de cesse, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1965, d’élargir le champ des dispositions d’ordre public. Ainsi, se sont vues réputées non écrites :

 - Une clause calculant la quote-part des charges afférentes à un lot en considération de son prix de vente, en violation de l’article 4 de la loi du 10 juillet 1965 ; 
- Une clause obligeant les copropriétaires à vendre leur lot en préférence aux autres copropriétaires de l’immeuble en violation des dispositions de l’article 8 de loi du 10 juillet 1965 ; 
- Une clause prévoyant que les fonctions de membre du conseil syndical ne peuvent être exercées que par un copropriétaire à jour de ses charges, en violation de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ; 
- Une clause autorisant un copropriétaire à effectuer des travaux affectant les parties communes dans l’autorisation de l’assemblée générale, en violation des dispositions de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 .

 

6 Cass. 3ème civ. 4 avril 2001
7Cass. 3èmeciv. 29 mai 1979 
8 Cass. 3ème civ. 18 décembre 2002, n°01-12.269 
9 Cass. 3ème civ. 11 mai 2005 n°03-19.183

 

Maître Manuel RAISON

 

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