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AIRBNB / CLAUSE D'HABITATION BOURGEOISE :

La Cour de cassation désavoue la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris

Dans un arrêt rendu le 25 janvier 2024, la Cour de cassation a précisé les critères d'appréciation de la commercialité de l'activité de location en présence d'une clause d'habitation bourgeoise, adoptant ainsi une position moins stricte, favorable aux bailleurs de courte durée.

Aux termes de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous réserve de ne porter atteinte :

- ni aux droits des autres copropriétaires ; 

- ni à la destination de l’immeuble. 

La destination de l’immeuble peut être délimitée par une clause d’habitation bourgeoise, qui limite l’usage des parties privatives à l’habitation exclusivement. Les professions libérales sont parfois tolérées sous certaines conditions, mais l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale est par principe interdit[1].

L’existence d’une telle clause dans le règlement de copropriété permettait jusqu’alors aux copropriétés de lutter contre les locations des appartements pour des séjours de courte durée type « AIRBNB ». Ainsi, la jurisprudence judiciaire considérait majoritairement que la location de courte durée devait être assimilée à une activité commerciale. 

En effet, la Cour d’appel de Paris considérait que « une location en meublé n’est pas, en elle-même, contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, à moins qu’elle ne s’exerce pour des locations de courte durée avec fournitures de services annexes (ménage, fournitures de literie, transferts vers l’aéroport) qui apparentent cette exploitation à une activité commerciale et non plus civile »[2].

 Les prestations de ménage et les fournitures de linge de lit étant systématiquement proposées pour les locations de courte durée, leur qualification commerciale pouvait presque toujours être reconnue par les tribunaux. 

L’application de ces critères permettait donc aux copropriétés d’interdire à leurs propriétaires non occupants la mise en location des locaux à usage d’habitation pour des séjours de courte durée. 

Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 janvier 2024, a précisé l’étendue du critère de fourniture de services annexes en jugeant que le caractère commercial de l’activité de location ne pouvait pas être retenu en présence de « prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier »

Pourtant, en l’espèce, les prestations concernaient le ménage, le transfert vers l’aéroport ou la fourniture de petits déjeuners, mais n’étaient fournies qu’à titre optionnel ce qui, selon la Cour de cassation, les distinguaient de services fournis dans le cadre d’une activité para-hôtelière[3]

Cette nouvelle appréciation par la Cour de cassation permet donc de considérer que la location meublée de courte durée ne revêt pas nécessairement de qualification commerciale et n’est pas par principe contraire à la clause d’occupation bourgeoise. 

Quelle voie reste alors ouverte aux syndicats des copropriétaires qui souhaiteraient obtenir l’interdiction de la location de courte durée ? 

Si l’activité emporte des nuisances aux droits des autres occupants de l’immeuble, son exercice, même conforme au règlement de copropriété, peut être interdite. 

Cela a été réaffirmé récemment par la Cour de cassation qui a jugé que « l’activité de location meublée touristique, même régulière, peut être interdite par le juge dès lors qu’elle cause un trouble de voisinage en raison du nombre d’occupants, de l’augmentation de la fréquence des passages et des incivilités qui peuvent en résulter »[4]

Cette position confirme cette fois-ci celle de la Cour d’appel de Paris, qui avait pu caractériser un trouble anormal du voisinage pour : 

« les nuisances diverses occasionnées par les fréquentes rotations de locataires dans l’immeuble nuisent à la tranquillité des copropriétaires et contreviennent ainsi au règlement de copropriété qui interdit tous bruits ou activités dans les appartements de nature à gêner les voisins, cette seule constatation justifiant la cessation de l’activité locative de meublé de courte durée »[5]

« des troubles de voisinages dérivant des allées et venues incessantes, diurnes comme nocturnes, de touristes en nombre circulant avec leurs valises dans les parties communes, escalier, ascenseur, couloir, portes, résultant de leurs vas et vient »[6]

En conséquence, dans une telle hypothèse, une action en justice pourrait être diligentée par le syndicat des copropriétaires ou par un ou plusieurs copropriétaires, afin d’obtenir la condamnation sous astreinte du propriétaire à cesser l’activité à l’origine des troubles. Néanmoins, le succès d’une telle procédure sera subordonné aux éléments de preuve qui pourront être apportés pour établir l’existence des nuisances (attestations, constats d’huissiers, etc.). 

[1] Cour d’appel de Paris, 21 mai 2014 n°12/17679 ; Cour d’appel de Paris, 15 juin 2016, n°15/18917 ; Cour de cassation, 3ème civ., 8 mars 2018, n°14-15.864 

[2] Cour d’appel de Paris, 21 mai 2014 n°12/17679 ; Cour d’appel de Paris, 15 juin 2016, n°15/18917 

[3] Cour de cassation, Civ. 3ème, 25 janvier 2024, n°22-21.455 

[4] Cour de cassation, Civ. 3ème 25 mai 2023, n°22-17926 

[5] Cour d’appel de Paris, 21 mai 2014, n°12/17679 

[6] Cour d’appel de Paris, 15 juin 2016, n°15/18917 

 

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