Un second souffle pour le marché de la colocation et du coliving

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Après incertitudes et soubresauts liés à la crise sanitaire, le marché de la colocation, comme celui du coliving (avec tout un panel de services en prime !) ont plus que jamais le vent en poupe. Les investisseurs s’y intéressent de près, et des start-up surfent sur la tendance. Explications.

Entre engouement et fléchissement durant la crise sanitaire 

 

Popularisée par le film français L’Auberge espagnole et sa galerie de portraits d’étudiants européens, mais aussi par la série culte américaine Friends, la colocation bénéficie d’une image positive auprès des Français et des Françaises. La dernière étude d’ampleur menée sur le sujet (en 2018) par Harris Interactive indiquait qu’ils en avaient une bonne image (à 70 %). Encore plus chez ceux qui en ont déjà fait l’expérience (82 %). Mise en commun des ressources, convivialité, ouverture aux autres, économies : la colocation coche de nombreuses cases.

Comme d’autres segments du marché immobilier, celui de la colocation n’a pourtant pas échappé aux soubresauts de la crise sanitaire. En témoigne une étude d’août 2021 signée LocService, spécialiste de la colocation. Le marché se serait ainsi « nettement contracté ». En cause : la difficulté de se projeter avec des inconnus en pleine pandémie, et la contrainte de devoir respecter les gestes barrières. 

Le profil des candidates et candidats à la colocation a, lui, aussi évolué. En 2020, ils étaient 55 % d'étudiants et 41 % d'actifs, contre 58 % d’étudiants et 36 % d’actifs en 2021. Enfin, les futurs colocataires aspirent à voir plus grand, et cherchent des logements plus spacieux. Signe qui ne trompe pas : ce critère n’apparaissait pas dans les précédentes études de LocService. 

 

Les villes moyennes se convertissent à la colocation…

 

Cependant, le petit coup de mou du marché de la colocation n’a, semble-t-il, été que passager. Et depuis la rentrée de 2021, l’engouement est de retour. En témoignent les prix des loyers : + 3,5 % en moyenne en France selon LocService, comparé aux chiffres de 2020.

Lyon, Lille, Paris : le marché de la colocation est historiquement tendu dans ces grandes agglomérations. La crise sanitaire n’y a presque rien changé. En revanche, des villes moyennes de province émergent comme de nouvelles terres de colocation particulièrement prisées. À La Rochelle par exemple, pas moins de huit candidates et candidats se disputent une offre ! En revanche, il est plus aisé de trouver une chambre dans d’autres villes, comme Saint-Étienne, Nice, Limoges ou Amiens, nouveaux eldorados de la coloc’ plus accessibles. 

 

… et attirent les investisseurs

 

Cet intérêt pour les villes moyennes n’a pas échappé aux investisseurs. Dans son bilan de l’été 2021 publié en septembre, le réseau Orpi estime qu’investir dans la colocation est « une tendance qui a le vent en poupe ». En particulier dans les villes moyennes en expansion, grâce à un prix au mètre carré moindre que celui de plus petites surfaces. Les biens plus spacieux mis en colocation permettraient d’obtenir un rendement locatif plus élevé, et de répondre aux nouveaux critères de recherche des locataires.

Ainsi, selon Orpi, « investisseurs et primo-accédants se disputent ce marché en tension, où les prix sont inflationnistes et l’offre rarement pléthorique ». Pour ce spécialiste de l’immobilier, « ces biens pourront répondre à la demande croissante des étudiants en recherche de colocation. Un mode de vie partagé qui redevient très demandé, alors que nombre d’étudiants ont souffert de la solitude et des confinements ».

L’inclinaison du marché vers la colocation est également confirmée par des publications de la presse quotidienne régionale, qui prend régulièrement le pouls des acteurs immobiliers locaux. À Roubaix et dans le Nord, les investisseurs débarquent en force. À Lyon, c’est la ruée sur les T3 à vocation de colocation étudiante ou sénior. À Brest, et en Bretagne, les professionnels observent, eux aussi, l’essor de la colocation. Idem dans le Maine-et-Loire. 

 

Une déclinaison de la colocation tire aussi son épingle du jeu

 

Le concept débarque tout droit des États-Unis, et grappille peu à peu des parts de marché en France. Selon des chiffres BNP-Paribas Real Estate, le coliving représentait, en 2019, déjà 5 000 lits en France. L’Île-de-France représentait alors environ la moitié du marché, tandis qu’en région, les métropoles ayant les marchés les plus importants étaient Aix-Marseille, Nice, Toulouse, Rennes, Angers, Caen et Bordeaux. Près de 3 500 nouveaux lits étaient alors en projet, principalement en Île-de-France, ainsi qu’à Lille, Bordeaux et Marseille notamment.

Le principe du coliving : partager des logements spacieux et profiter – en plus d’espaces privatifs et communs – d’un panel de services complémentaires : ménage, abonnements vidéo, animations, livraison des courses, de repas, entretien du linge, dépannage en plomberie ou en électricité, etc. 

D’après l’institut YouGov qui a mené l’enquête en septembre 2020, « les services inclus et le lien social sont les principaux atouts du coliving ». Le concept de coliving dispose ainsi « de forts avantages comparatifs par rapport aux autres solutions de logement ». Les services intégrés sont la caractéristique qui séduit le plus fortement la cible des 18-34 ans célibataires et sans enfants (28 %). La dimension communautaire arrive en seconde position (25 %), suivie de la flexibilité (15 %) et de la simplicité d’accès (14 %).

 

Un nouveau marché investi par les start-up

 

De nombreuses start-up à Paris et en région surfent sur la vague et se mettent en quête de logements XXL susceptibles de correspondre aux enjeux. Parmi elles, Colonies, la Casa, the Colivers… 

Là aussi, la crise sanitaire a joué un rôle amplificateur. Selon Alexandre Martin, co-fondateur de Colonies cité par les Echos en août 2020, « l'expérience du confinement a accéléré l'éducation du marché ».

Pour Claire Flurin, directrice R & D et innovation chez Keys Asset Management, « le coliving a de beaux jours devant lui. D'autant plus avec la crise sanitaire qui a mis en lumière un besoin de lien social ».

Et selon le baromètre sur le coliving de l’application Whoomies (décembre 2020), « en France, la demande en coliving progresserait de 20 % par an, une demande boostée par la crise sanitaire ». Selon Whoomies, cette accélération serait due à l’essor du télétravail et aux changements d’habitudes de la vie courante, qui ont eu pour effet de renforcer le sentiment d’isolement social.

Les nouveaux modes de logement redessinent régulièrement les contours du marché immobilier. Aux professionnels et professionnelles de l’immobilier de rester attentifs, et d’orienter judicieusement les investisseurs intéressés vers des biens correspondant à cette tendance qui s’installe. Quant aux propriétaires de logements destinés à la colocation, ils ont aussi tout intérêt à être bien protégés