Lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme : quelles obligations pour l’agent immobilier ?

LCBFT

L’immobilier est un secteur convoité et… régulièrement épinglé par les autorités sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme. Pour éviter de lourdes sanctions à cause de ses opérations, un agent immobilier doit être vigilant. Évaluation des risques, formation, signalement : les professionnels et professionnelles ont une importante responsabilité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. 

L’activité immobilière supposément « sensible »

L'immobilier représente non seulement des flux financiers considérables, mais aussi des modes de financement variés et des volumes importants (en moyenne entre 1 et 1,5 million de ventes annuelles en France). Ces opérations peuvent prendre la forme de sociétés immobilières au montage complexe, ou d’un conglomérat de sociétés parfois hébergées dans des pays différents… 

Logiquement, l’activité immobilière est considérée comme vulnérable sur le terrain du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. L’achat et la vente sont particulièrement concernés, tout comme les contrats de location de logements ou de fonds de commerce.

Et contrairement à une idée reçue, l’immobilier de luxe ne serait pas le seul segment concerné par ce risque. Même une vente immobilière d’apparence plus modeste peut contenir une face cachée illicite. Tracfin (organisme de renseignement financier sous l'autorité du ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance) indique que des opérations douteuses sont souvent citées autour de maisons et d’autres biens immobiliers dont la valeur ne dépasse pas les 300 000 euros… Par ailleurs, 70 % des pénalités  de la Commission nationale des sanctions (CNS) sont prononcées à l’encontre des agents immobiliers. 

On comprend donc aisément pourquoi le professionnel ou la professionnelle de l’immobilier a tout intérêt à rester sur le qui-vive au moindre signe. Avec un objectif : remplir scrupuleusement cette obligation qui s’ajoute à nombre de ses missions. 

 

Établir une cartographie des risques

Il s’agit de l’une des complexités en matière d’obligations sur le sujet du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme. Il faut effectivement évaluer les risques au regard de la propre activité de l’agence immobilière. Du « cas par cas », donc.

La cartographie des risques de l’agence peut ainsi être relative au profil habituel de sa clientèle et au type d’opération réalisée. Mais également à la nature des fonds qui lui sont généralement soumis (paiement comptant ou crédit bancaire, provenance géographique). Des éléments à formaliser dans un document consultable en cas de contrôle.

L’agent va devoir identifier différents niveaux de risques et de vigilance. Il établira ensuite la marche à suivre opérationnelle en interne face à chaque situation. Cela peut prendre, par exemple, la forme d’un questionnaire à destination des ressortissants dans ou hors Union européenne. Mais aussi d’un formulaire spécifique à remplir dans le cadre d’une transaction pour l’achat d’un bien de prestige. Certaines agences pourront avoir trois niveaux de risque et d’autres, quatre.

Chaque agence doit identifier un référent chargé de faire respecter les obligations sur les questions de blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Mais l’ensemble des collaborateurs doit être informé et sensibilisé. Ils doivent garder en tête la conduite à tenir face à un client. Les protocoles d’identification des risques doivent être connus, tout comme les sanctions encourues en cas de manquement. Du côté des formations, Tracfin dispose par exemple de modules d’e-learning à diffuser aux équipes. 

 

Quelques cas de figure qui peuvent alerter

Dans le cadre de ces obligations, l’agent immobilier a des informations de base à recueillir. Il est plus que recommandé de le faire rapidement. Il s’agit d’abord d’établir l’identité du client, mais aussi celle du bénéficiaire de l’opération. Et ce, avant la signature d’un mandat (idéalement dès la manifestation d’intérêt pour un bien d’un éventuel acquéreur ou locataire), ou préalablement à une promesse d’achat, un compromis de vente, etc. 

Ensuite, de nombreux points peuvent également lui mettre la puce à l’oreille. Par exemple : 

  • Si le prix de vente d’une maison, d’un appartement, d’un immeuble ou d’un fonds de commerce est bien plus bas, ou trop élevé, comparé aux prix du marché.
  • Si le profil d’un client ne « colle » pas avec la valeur du bien qu’il souhaite acheter. 
  • Si le montage financier ou juridique lié à l’opération immobilière semble extrêmement complexe… 

Et si la transaction est pilotée par une personne physique ou morale installée dans un pays jugé à risques – voire en guerre – et que les fonds proviennent de ces régions ? Clairement, c’est une alerte rouge. Idem si l’agent a connaissance d’infractions (détournement de fonds, escroquerie par exemple) commises dans le passé par un futur client… Liste évidemment non exhaustive.

 

Déclarer des soupçons à Tracfin… sous peine de sanctions

L’agent immobilier a l’obligation de déclarer ses soupçons auprès de l’organisme Tracfin. Et ce, même s’il ne dispose pas de preuves. 

Il doit le faire s’il pense que des capitaux sont en jeu lors d’une opération provenant d’une infraction passible d’une peine de prison supérieure à un an. Par exemple, il peut s’agir de trafic de stupéfiants, de corruption, de trafic d’influence, d’escroquerie… L’agent doit aussi saisir Tracfin s’il soupçonne que les sommes d’argent participent au financement du terrorisme ou sont le fruit d’une fraude fiscale.

Impossible pour l’agent immobilier de prendre ses obligations à la légère. Il peut effectivement être contrôlé à tout moment sur le dispositif mis en place contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce sont les services de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) qui s’en chargent. En cas de manquement du professionnel ou de la professionnelle, ils dressent un procès-verbal transmis à la Commission nationale des sanctions. 

Laquelle dispose d’un panel de sanctions : 

  • Avertissement, 
  • Retrait de la carte professionnelle ou de l’agrément, 
  • Interdiction temporaire d’exercer. 

En vertu de la loi, la CNS peut aussi prononcer des sanctions pécuniaires. Elles peuvent aller jusqu’à… 5 millions d’euros.

Mieux vaut ne pas être pris en faute : contrevenir à ses obligations peut coûter cher.