Comment la crise sanitaire a changé le visage du marché immobilier

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place colorée Colioure
Un volume de ventes historiquement élevé, un engouement inédit pour les villes moyennes, le littoral et les zones rurales, des prix qui ne cessent de grimper à l’exception de Paris… Deux ans après le premier confinement en France, le marché de l’immobilier a connu des chamboulements mais... a incroyablement résisté ! Retour sur cette période hors norme.

De nouvelles aspirations nées des confinements

Flash-back. Souvenez-vous, nous sommes au printemps 2020. Face à l’épidémie de Covid-19, les Françaises et les Français restent totalement confinés chez eux durant deux mois. Les agences immobilières sont fermées, et une partie de l’activité se poursuit tant bien que mal grâce à la digitalisation, parfois engagée à marche forcée.

Selon l’Insee, durant cette période, 5 millions de Français vivent dans des logements où ils se sentent à l’étroit. Certains se prennent à rêver d’autres horizons, moins urbains, d’une mise au vert salutaire, et, pourquoi pas, dans une ville à taille humaine. Dès mai 2020, le promoteur Capelli prend le pouls des aspirations des candidates et candidats à l’achat. Son enquête révèle qu’il leur faut désormais un accès à l’extérieur. Pour 36 % des Français, disposer a minima d’un balcon, d’une terrasse ou d’un jardin privé devient alors le premier critère de recherche. Les ménages se déclarent maintenant prêts à s’éloigner davantage de leur lieu de travail pour se rapprocher de la nature. 

En juin 2020, PAP (spécialiste des transactions immobilières entre particuliers) enregistre des niveaux de connexion record. Le site web note une très forte progression des recherches sur les départements limitrophes des plus grandes métropoles françaises. Par exemple, + 117 % de recherches pour l’Ain, proche de Lyon, ou + 98 % de recherches supplémentaires pour l’Eure (entre Rouen et Paris) par rapport à 2019.

À la sortie du premier confinement, 23 % des actifs vivant en agglomération affirment vouloir déménager, selon un sondage réalisé pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Soit près de 400 000 personnes prêtes à quitter les grandes villes !

Mais du rêve à la réalité, il y a souvent bien plus qu’un pas… et les professionnels de l’immobilier s'interrogent. Passés les fortes turbulences liées au Covid-19, les confinements successifs et les restrictions de déplacement qui ont pesé lourd sur le moral des ménages, les acquéreurs poursuivent-ils vraiment leurs plans ? 

 

Le marché a fait mieux que résister

Deux ans plus tard, il est désormais clair que les Français et les Françaises n’ont jamais véritablement renoncé à leurs ambitions immobilières. Bien au contraire. Notaires de France, qui a passé cette période si particulière à la loupe, relève même « un appétit pour l’immobilier » qui ne s’est pas démenti. Ajoutant que « les Français ont accéléré, dans leur ensemble, la concrétisation de leur projet immobilier ». 

L’immobilier a confirmé son statut de valeur refuge. Toujours selon Notaires de France, « l’environnement économique spécifique au marché immobilier demeure sécurisant ».

Autre indicateur qui ne trompe pas : le volume des ventes. Avec 1,2 million de transactions, l’année 2021 a littéralement battu des records. Quasi au même niveau que 2019, année historique de référence antérieure à la crise. Pour la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), le volume des ventes de 2021 est même 50 % plus élevé que celui de 2011…

 

Un dynamisme qui se ressent sur les prix

Cette formidable dynamique n’est pas sans conséquence, en particulier sur les prix. 

Les analystes data et les économistes du site web « Meilleurs Agents » se sont penchés sur les ventes enregistrées par les Notaires de Paris et Île-de-France et sur les transactions communiquées par les 11 000 agences immobilières présentes sur la plateforme. Ce qui couvre en moyenne plus de 30 % des transactions immobilières nationales, y compris dans les zones rurales. Cette enquête publiée en mars 2022, « Deux ans de Covid, l'heure du bilan pour le marché immobilier », est riche d’enseignements sur la période. 

Sur les prix, le constat est sans appel : c’est l’envolée ! En France, le prix moyen au mètre carré a augmenté de 10,3 % sur les 24 derniers mois pour s’établir à 3 012 € du mètre carré. Et le classement des grandes métropoles s’en voit totalement chamboulé. En queue de peloton de l’attractivité d’avant crise, des villes comme Strasbourg (+ 16,5 %) ou Lille (+ 11,2 %) tirent leur épingle du jeu. A contrario, Lyon, vedette du marché pendant de nombreuses années, n’a augmenté « que » de 7,3 %. Idem pour Bordeaux qui n’augmente « que » de 5,4 %.

Voici quelques-unes des augmentations notables dans les grandes villes : 

  • Strasbourg : 3 646 €/m2, + 16,5 %
  • Nantes : 4 135 €/m2, + 14,6 %
  • Rennes : 4 227 €/m2, + 14,4 %
  • Lille : 3 461 €/m2, + 11,2 %
  • Marseille : 3 437 €/m2, + 10,9 %
  • Toulouse : 3 801 €/m2, + 9,7 %
  • Nice : 4 779 €/m2, + 7,7 %
  • Montpellier : 3 365 €/m2, + 6,1 %

 

Mais ce sont bien les zones rurales et périurbaines qui ont profité le plus de la crise sanitaire. En deux ans, les prix y ont grimpé de 11,9 %. Ce regain d’attractivité touche plus particulièrement les zones péri-urbaines (+ 13,1 %) et les communes plus isolées (+ 9,5 %). 

Rien d’étonnant non plus à ce que la quête d’espace et d’extérieurs se soit concrétisée par une hausse presque deux fois plus rapide du prix des maisons (+ 12,7 %) par rapport à celui des appartements (+ 7,2 %).

 

La suprématie de Paris, c’est fini ! 

Mais au hit-parade de l’envolée des prix décrite par Meilleurs Agents, une ville fait exception, et quelle exception ! Paris est la seule commune de France où les prix chutent : - 3,2 %. 

Un point qui a attiré l’attention des analystes, puisque les prix y baissent (certes modérément), une première depuis 2016, après avoir connu des années d’euphorie (+ 16,8 % durant les deux années précédant la crise) et frôlé les 11 000 € du mètre carré.

Et si la petite et la grande couronne faisaient désormais de l’ombre à la capitale ? Les tarifs y ont effectivement grimpé de + 8,5 % en 2 ans (+ 10,9 % dans le Val-d’Oise, + 9,4 % dans l’Essonne et la Seine-et-Marne, +5,4 % dans les Yvelines).

 

La revanche des villes moyennes, du littoral et de la campagne

La FNAIM a, elle aussi, mené l’enquête, sur cette période hors norme pour le marché immobilier. En plus des éléments compris dans sa propre base de données, elle a étudié les transactions désormais rendues publiques par le ministère des Finances, et passé au crible 4 millions d’annonces présentes sur les 15 sites web les plus fréquentés. 

Sur deux ans, la hausse des prix des stations balnéaires atteint + 21,4 %, + 16,1 % dans 100 villes moyennes et +13,1 % dans les communes rurales. Parmi les villes moyennes les plus prisées : Orléans, Angers, Dijon, Caen, Quimper ou encore Cholet.

De l’avis de son président, Jean-Marc Torrollion, « une démétropolisation est engagée ».

Les communes du littoral ont connu la plus forte augmentation notée pour la seule année 2021, et même sur 5 ans (+ 36 %). Si l’on observe les onze départements où les prix ont augmenté de plus de 10 %, tous ou presque se situent sur la façade atlantique (toute la Bretagne, le Calvados, la Loire-Atlantique et la Vendée, ainsi que la côte aquitaine à l’exception de la Gironde). Des villes du littoral flambent, à l’image de Vannes et de La Rochelle.  

Interrogé par Le Monde, dans un article daté du 14 janvier 2022, le président de la FNAIM complète cette photographie inédite avec une donnée sur le volume des ventes : « ce sont bien les départements ruraux qui ont connu la plus vive hausse du nombre de transactions, qui, dans huit d’entre eux, a, en 2021, dépassé les 30 % : la Dordogne, la Creuse, l’Ariège, l’Indre, le Loir-et-Cher, le Gers, l’Yonne et l’Orne »

Et si, depuis la crise sanitaire, le bonheur était bel et bien dans le pré ?