Ajustement mensuel du taux d'usure : une bonne nouvelle pour l’obtention d’un prêt immobilier ?

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Ajustement mensuel du taux d'usure : une bonne nouvelle pour l’obtention d’un prêt immobilier ?

Ajustement mensuel du taux d'usure : une bonne nouvelle pour l’obtention d’un prêt immobilier ?

La réévaluation mensuelle du taux d’usure des banques est effective depuis le 1er février 2023. En théorie, elle doit permettre aux établissements de s’ajuster plus rapidement aux réalités du marché, et de valider davantage de dossiers de prêt. Valable uniquement jusqu’en juillet, ce changement va-t-il réellement permettre aux emprunteurs d’obtenir plus facilement un crédit immobilier ? Pas si simple. Explications.

Le taux d’usure au cœur des critiques

Le taux d’usure désigne le taux d’intérêt maximal légal auquel une banque peut prêter à un particulier. Il comprend le taux du crédit accordé auquel s'ajoutent les frais de dossier, l’assurance emprunteur, les éventuels frais de courtage, etc. 

Ces derniers mois, les taux moyens de crédit ont connu une remontée rapide et importante. Pour preuve, selon les données de l’Observatoire Crédit Logement, le taux moyen s’élève à 2,82 % en février 2023 pour un prêt sur 20 ans. Ce chiffre était à 1 % un an auparavant. 

Mais le taux d’usure, établi selon les calculs de la Banque de France, n’évoluait pas sur la même courbe ascendante. Conséquence : les banques contraintes par le plafond du taux d’usure ont dû restreindre l’accès au crédit de nombreux emprunteurs. 

Selon la Banque de France, la production de crédits est ainsi passée de 19,7 milliards d’euros par mois en moyenne au premier semestre 2022 à 16,7 milliards d’euros par mois au second semestre 2022. 

Taux d’usure : ce qui a changé en février 2023

Pour tenter de débloquer la situation, le taux d’usure a commencé à être rehaussé à partir de janvier 2023. Dès le mois suivant, le ministère de l’Économie et des Finances a décidé de procéder à une réévaluation du taux d’usure de façon mensuelle, et non plus trimestrielle comme c’était le cas jusqu’alors. Une manière de s’adapter davantage aux réalités du marché. Cette mensualisation n’est toutefois que provisoire, et ne sera valable que jusqu’au 1er juillet 2023. 

Ainsi, au 1er mars 2023, le taux d’usure est fixé à 4 % pour les prêts sur vingt ans et plus. En février 2023, il s’établissait à 3,79 %.

L’ambition de fluidifier le marché des crédits immobiliers

Dans son communiqué du 20 janvier 2023, la Banque de France explique son choix de réévaluer mensuellement le taux d’usure : il s’agit de débloquer plus rapidement certains dossiers sans devoir attendre le trimestre suivant. Avec pour objectif de fluidifier et d’accélérer l’obtention de certains prêts. 

Une décision justifiée ainsi : « La Banque de France a pu observer, notamment s’agissant des derniers mois de l’année, des variations dans la répartition de la distribution du crédit, avec un effet de seuil à l’intérieur de chaque trimestre. Certains dossiers, dans l’attente de la prochaine hausse trimestrielle significative du taux d’usure, sont ainsi reportés au début du trimestre suivant. ». 

De son côté, Bercy estime que « cette actualisation plus rapide du taux d’usure devrait ainsi permettre aux candidats à l’achat dont le dossier se retrouvait bloqué pour cette raison de finalement décrocher leur prêt immobilier ». 

Pour les professionnels de l’immobilier, ce changement de fréquence de calcul, bien que temporaire, devrait permettre l’acceptation de certains dossiers en attente.

« C'est une bonne nouvelle sans ambiguïté, a estimé Philippe Heim, Président du directoire de La Banque Postale, dans une interview à BFM le 1er mars 2023. Nous étions dans une situation où les banques ne pouvaient plus octroyer de crédit, cela a provoqué un grippage progressif du marché. Parce que si on additionne le taux du prêt, les commissions de courtage, les assurances des emprunteurs, nous étions bloqués. Malheureusement, cela a évincé certaines clientèles du marché immobilier. Cela va détendre ce marché. »

Un « déblocage » pour certains dossiers

Un « déblocage » qui ne pourrait profiter qu’à une catégorie d’emprunteurs seulement. Ceux qui, à quelques dizaines de milliers d’euros près, voyaient leur dossier refusé ou mis en stand-by en attendant la réévaluation trimestrielle. « La mensualisation du taux de l’usure est une bonne nouvelle. Ces derniers mois, il fallait attendre la remontée en début de trimestre pour faire passer les dossiers trop justes, a expliqué Pierre-Etienne Beuvelet, fondateur du réseau de courtiers IN & FI dans un article du Monde du 13 mars 2023. 

Les banques semblent néanmoins ne pas accorder des crédits de façon massive. Dans le même temps, les taux des crédits continuent d’augmenter: emprunter va donc continuer de coûter plus cher. Les difficultés des jeunes actifs, primo-accédants, des personnes sans ou à faible apport personnel pourraient demeurer, voire s’accroître.

« Cela complique la tâche des candidats à l’emprunt, puisque le coût du crédit augmente. Mais il y a tout de même un aspect positif, indique Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, citée dans Le Monde. Plus les taux des crédits augmentent, plus l’activité de crédit redevient rentable pour les banques, qui devraient donc commencer à relancer la machine. »

Une production de crédit toujours à la peine

Pour l’heure, les effets de la réévaluation mensuelle du taux d’usure semblent encore très limités sur le nombre de crédits accordés. Dans son bilan du mois de février 2023, l’Observatoire Crédit Logement indique que « après la courte embellie de janvier dernier, la production a retrouvé son chemin baissier en février, en dépit de la mensualisation du taux d’usure ».

Avant de poursuivre : « la mensualisation du taux d’usure mise en œuvre dès le 1er février s’est aussi accompagnée d’une augmentation sensible du taux des crédits […]. L’effet escompté de cette mensualisation sur le niveau de la production (de crédits, NDLR) a fait long feu ».

Selon les chiffres de l’Observatoire, en février 2023, cette production est en recul de 47,8 % par rapport à février 2022. Des chiffres à observer à la loupe dans les mois à venir afin de voir si la baisse se confirme. D’autant que la mensualisation du taux d’usure prend fin en juillet… La bouffée d’oxygène attendue pourrait être toute relative.